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Sucre d’horreur

3 septembre 2010

Un exemple flagrant des erreurs que l’on peut commettre avec une vision parcellaire d’un problème est donné aujourd’hui par certains groupes de produits de grande consommation (biens et emballages). Dans un désir tout à fait louable, et en réalité vital à leur survivance, de montrer qu’ils s’inscrivent dans le développement durable, ceux-ci ont décidé d’utiliser pour leur emballages du « bio-plastique » issu de sucre du Brésil.

Magique ! Le progrès écologique en marche. Samba !

Ecologique… ? La déforestation pour créer des champs de canne à sucre sur des centaines d’hectares ? Les tonnes d’engrais et de pesticides utilisés ? Les détournements de rivières ?

Certes non… Mais ce n’est pas tout, ce qui est bafoué par les zélateurs du sucre brésilien c’est aussi l’autre pilier fondamental sur lequel repose le développement durable.

L’Homme. Pas seulement l’homo I-Phonus, mais TOUS les hommes.

Et si l’on entend bien que le développement durable se doit aussi d’être social, de favoriser la dignité des tous et l’équité dans le partage des richesses, alors là tout se complique très dangereusement…

Les plantations de canne c’est d’abord les expulsions des indiens Guarani et la confiscation de leurs terres. Ajoutons maintenant l’injure à la blessure : pour tous ceux qui ont du mal à s’imaginer la vie des esclaves « au temps des plantations », qui paraît relever de la Guerre de Sécession, du temps d’avant l’Abolition… il n’y a pas à aller chercher si loin dans le passé.

L’esclavage existe encore.

Objectif d’une journée d’un « ouvrier » de plantation de canne au Brésil : 3,5 tonnes de canne coupées à la machette, sous l’oeil de son contre-maître (armé).

Durée de carrière moyenne : 12 ans.

Un excellent de article de Der Spiegel : Les esclaves brésiliens de l’éthanol (30/04/09) repris par Courrier International explique cela de manière très claire.

Morceaux choisis :

« Ils  travaillent six jours par semaine. Da Silva gagne environ 400 reais par mois (130 euros) pendant les cinq ou six mois que dure la saison. (…) un kilo de haricots coûte déjà 5,80 reais (2 euros) »

« Antônio a appris les lois de la canne à sucre avant même de savoir couper correctement. La première, c’est que la seule loi, c’est celle du feitor, le contremaître. C’est lui qui fixe le salaire, qui décide qui doit partir et qui peut venir. Antônio a appris qu’on peut tomber raide mort en travaillant sous un soleil de plomb sans avoir assez d’eau, comme c’est souvent le cas.

Alors lorsqu’au nom de ce qui est devenu, il faut bien le dire « l’écologiquement correct« , on prétend que des emballages issu de sucre ou que le carburant à l’éthanol est une solution d’avenir, c’est se précipiter bien vite aux micros des effets d’annonce. C’est aussi ignorer, sciemment ou non, toutes les données d’un problème.  Et ceci, comme dans un exercice de mathématiques, ne peut aboutir qu’à une seule chose : une solution fausse.

Et en l’ocurence, une solution fausse et atroce.

PS : Le site d’une ONG qui travaille depuis 2006 sur ce problème : Sucre-Ethique, permet de suivre l’évolution de la situation.

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